Je vais vous raconter mon histoire ∞Les bracelets brillaient à la lueur des lampes à huiles qui avaient été allumées tout autour de la pièce. Au centre Krishna puissant et dominateur lançait des regards sévères. L’encens saturait la pièce de son épaisse fumée jaune. Dans un coin, pied nu et peau moite, Rakesh observait les allers et venus des femmes qui apportaient leurs offrandes sur de grands plateaux de fer blanc. On lui avait demandé de rester là sans bouger durant toute la cérémonie, une bougie à la main, et si il faisait bien son travail il aurait le droit à un repas chaud et une cruche d’eau pour le soir. Sur ses mains coulait la cire rouge et brulante, mais il ne bougeait pas, il devait tenir bon.
La nuit était tombée et le foule ne désemplissait pas, le petit garçon sentait ses yeux se fermer, il avait envie d’uriner et il avait faim mais il ne bougeait pas. Le petit ne savait que trop bien que si il flanchait maintenant il aurait fait tant d’efforts pour rien, on lui refuserait le repas et même l’eau, il n’était plus légitime aux yeux du dieu que l’on était en train d’adorer si il ne tenait pas jusqu’à la dernière seconde, alors Rakesh tenait bon. Plusieurs fois il avait levé les yeux vers l’immense visage qui surplombait la cérémonie, celui de ce dieu qui semblait l’avoir oublié lui et tous les autres gamins des faubourgs de Delhi …
«
Ganesh veille sur toi mon fils. » lui avait un jour dit sa mère, ce même jour c’était sur un éléphant qu’il avait vu la ville se faire envahir de nouveaux habitants, riches et pédants qui avaient détruits le petit étalage de fruits qu’il tenait avec ses frères et qui leur servait d’unique revenu.
«
Chandra veille sur toi mon fils. » lui avait un jour dit sa mère, et c’était à la lumière de la lune qu’il avait quitté son foyer, ne sachant pas qu’il ne reviendrait jamais, ne sachant pas que le soir même sa mère disparaitrait sans donné de nouvelles.
On dit d’elle qu’elle c’est marié à un homme dans une autre ville, on dit aussi qu’elle vend son corps, on dit beaucoup de chose à propos d’elle, mais tout ce que sait Rakesh c’est qu’il ne croit plus qu’en un seul dieu.
Et ce n’était pas cette sinistre statue de Krishna qui lui ferait penser le contraire… Krishna était comme les autres à ses yeux, il ne valait pas un cloue et ses prêtres non plus.
«
Réveil toi mon garçon, va chercher ton bol et une cruche, et descend derrière le temple pour ta ration. »
Rakesh leva ses yeux humides vers la statue une dernière fois, il ne voyait plus qu’une énorme boule sculptée, plus rien de divin là dedans, les dieux ne descendent pas sur terre, et surtout pas pour quelqu’un comme lui.
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Dehli a vu pousser bien des mauvaises herbes et en cette période trouble, bien peu d’enfants des rues auraient pu se vanter de s’en sortir aussi bien que le jeune Rakesh. Mais c’est dans une forme insoupçonné de son caractère que le jeune garçon pécha ses forces, il était capable de séduire, de plaire, d’aguicher et surtout de mettre à profit les querelles des autres pour son bien personnel. Si à l’âge de seize ans après avoir été recueillit, nourrit et logé par une bande de malfrats en quête de main d’œuvre, on lui proposa la main d’une des filles du clan, ce ne fut pas simplement car on le trouvait séduisant et fort que l’on souhaitait avoir une descendance à cette image, non pas seulement, un autre facteur bien moins glorieux donnait à cet adolescent un crédit immense. Il était capable de tuer de sang froid, capable de retenir une foule d’informations sans avoir à se forcer, capable de regarder les puissants se désunir et pleurer et les plus faibles remonter les pentes et inversement sans jamais siller. Son propre intérêt, sa survit était le seul point qui l’intéressait.
Pooja, c’était la petite qu’on lui avait confié, mais Pooja était maladroite et chétive, une enfant qui vivait dans un monde de brute et qui ne savait rien faire de ses dix doigts, si Rakesh savait bien qu’en annulant ses fiançailles avec la jeune femme il s’attirerait les foudres de la famille, il n’hésita pas une seconde, et disparut le soir même dans les rues de Dehli. Puis vient Lakshmi, de toute, elle était la plus belle et la plus solide, elle aimait l’émulsion des corps, elle en vivait aussi, une courtisane de haut rang qui l’avait recueillit de bien des années son ainée. Rakesh la demanda en mariage, elle accepta, mais encore une fois l’orgueil du garçon déjoua les plans amoureux, Lakshmi était la favorite d’hommes de très hautes conditions, et Rakesh ne pouvait supporter de voir sa futur femme danser et se coller à des hommes qui le considéraient comme un moins que rien, il griffa le visage de la jeune femme, la défigurant à vie, puis partie avec l’une de ses suivantes, la charmante Rani. Rani était déjà veuve à dix huit ans, elle ne pouvait plus avoir d’enfants, mais Rakesh lui promis monts et merveilles, elle n’eut bientôt plus d’yeux que pour lui. Ils retournèrent dans les rues, le jeune Mangeshkar avait su faire connaître son nom et il fut bientôt engagé dans plusieurs villes pour transporter des colis plus ou moins licites, mais aussi pour tuer. Plusieurs fois il fut approcher par les Thagîs mais refusa d’entrer dans leur sectes, ne vénérant qu’un seul dieu, Shani, le corbeau.
Rani accepta de faire le trottoir pour aider son fiancé financièrement, elle ne comprit pas tout de suite qu’elle n’avait aucune valeur aux yeux de Rakesh, et lorsque celui-ci commençât à engager plusieurs femmes pour le même travail elle ne le supporta pas et se suicida. Le poison, Rakesh ne savait que trop bien où elle avait pu s’en procurer, et bientôt il se rapprocha des Kalima pour se venger, car malgré le peu d’attachement qu’il pouvait avoir pour elle, il ne supportait pas de ne pas punir pour ce qu’on lui avait volé.
Qui aurait cru que le petit garçon au regard noir de haine devant Krishna deviendrait si trompeur envers les siens et envers lui-même, car la venu de ce peuple aux meurs étranges, le rapprochement qu’il fait avec eux aussi, lui donne une bonne condition à présent, et si il continue de vendre ses femmes à Delhi aux hommes puissant de cet autre monde, il est en train de monter sa propre petite entreprise à Calcutta, marchandant avec toutes les castes, tous les gouvernements et tous les milieux de l’ombre, cherchant comme toujours à arriver à ses fins mais surtout à ne pas retourner dans le caniveau, n’oubliant pas d’où il vient, et n’hésitant jamais à aller toujours plus loin.
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«
Quand reviendras-tu ? »
Kali, Disha et Anjali le regardait avec des yeux mouillés de larmes, elles avaient pourtant l’habitude de rester longtemps sans protection, elles savaient toutes les trois se battent pour protéger les autres femmes de la maison, et discerner lorsqu’un homme avait le droit à leurs faveurs ou non, mais elles avaient compris que quelque chose de bien plus grave se tramait, et que Rakesh, leur maitre parfois vicieux et insolent s’en allait pour un certain temps loin de Dehli. Elles avaient toutes finis par l’aimer et le haïr, mais elles n’avaient jamais rien tenté. Au moins il leur avait offert un toit, et elles étaient assez nombreuses à présent pour ne plus s’ennuyer.
«
J’ai chargé Asim de veiller sur l’argent, et sur vous, il enverra son fils me porter le revenu une fois par mois. Comptez sur lui pour tenir la maison, et faites ce que vous avez à faire. »
Cela faisait bien longtemps que Rakesh n’avait plus de fois envers les femmes, et pourtant c’était pour une femme qu’il s’engageait auprès d’une famille qu’il avait si longtemps refusé d’intégrer par principe et par volonté d’indépendance. Lui qui avait réussi à se tenir loin du sang, il replongeait dedans, se persuadant que sa vengeance apporterait la paix à Shani, son seul véritable dieu, celui pour qui il c’était fait tatouer le corbeau rituel en quatre traits d’encre noir sur le dos de la main.
Shani emmenait ses pas vers Calcutta, il le pressait d’aller faire ce qui était juste. Détruire une famille, une organisation, non pas pour le bien mais pour son propre orgueil. Ainsi lui était apparu le dieu de Saturne et ainsi allait-il agir.